1001 euros

En choisissant de me séparer de la danse comme source de revenu, mes revenus ont baissé.
Non pas que je gagnais des mille et des cents avec des cours de danse tahitienne et chinoise, mais désormais, même avec ce fameux « vrai métier » dont on me parlait tout le temps, je gagne moins qu’avant.

Ce salaire ne me permettra jamais de devenir propriétaire. Il ne me permet pas non plus de partir en vacances ou de m’offrir quoi que ce soit d’extravagant.

Alors que faire ?

Je pourrais me dire que j’aurais dû demander finalement une rémunération, même moindre, pour les cours hebdos que je continue de dispenser. Après tout, j’ai déjà la micro entreprise qui peut lui servir de cadre.
Mais j’ai déjà remarqué combien le fait d’avoir détaché la danse de l’argent a été libérateur. Je ne ressens plus de pression à recruter des clients et mes élèves peuvent redevenir des élèves à mes yeux. En instaurant des cours particuliers à prix libre, je sais que je n’entendrai plus jamais la phrase « j’aurais aimé mais je ne peux pas me le permettre », phrase qui a si souvent brisé le cœur de l’enseignante que je suis.
Si je dois désormais recevoir de l’argent, il est un remerciement pour l’aide et le savoir que je peux apporter et non plus une transaction commerciale qui transforme la connaissance, l’attention et le temps en marchandise.

Puisque je travaille à temps partiel, je pourrais utiliser le temps qu’il me reste pour trouver un autre mi-temps. De quoi renflouer le manque financier sur la feuille de paye.
Mais, vivrais-je mieux à utiliser tout mon temps pour de l’argent ? J’ai peu, mais j’ai assez.

Non pas le « assez » résilient du « j’ai au moins un toit sur la tête ». J’ai réellement assez pour vivre. Le plus est un bonus agréable et toujours bienvenu, un cadeau mais pas une nécessité vitale.

Ce temps libre je décide consciemment de ne pas l’échanger contre de l’argent mais de le garder pour enseigner, pour continuer moi à apprendre. Pour nourrir mon esprit parce que c’est aussi important que de remplir son ventre.

L’enseignement de ces années passées en voyage mais aussi à vivre de la danse ce n’est pas de savoir vivre avec peu, mais de reconnaître lorsque c’est assez. La frontière peut paraître floue et elle l’est : ce qui est assez pour moi ne sera pas assez pour un autre. Chaque vie est différente. Chacun aspire à autre chose.
Mais il y a dans l’air d’aujourd’hui comme un goût de toujours plus. L’espoir trompeur du « j’irais mieux quand je gagnerais plus ». Sans faire l’apologie de la misère (évidemment) il est pourtant sain de s’interroger sur cette injonction de l’addition. Toujours plus. C’est vrai pour l’argent mais aussi pour tant d’autres domaines.
Il suffit pourtant de regarder ne serait-ce que notre propre corps pour comprendre que la croissance infinie devient une excroissance et que cette excroissance nous tue. Littéralement.

Savoir reconnaître lorsque l’on a assez n’est pas une forme de résilience ou de fausse humilité : c’est plutôt une forme d’intelligence qui permet de ne basculer dans aucun des extrêmes : ni l’ascétisme, ni la surconsommation.

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