Quelque part entre janvier et février, je ne sais plus, un pigeon s’est installé sur le rebord de fenêtre en face du mien.
Il dormait seul, la tête enfouie dans ses plumes grises. Je me suis habituée à sa présence et lui à la mienne.

Au travers du carreau et au fil des mois, je l’ai vu dormir, manger, guetter, s’intéresser aux femelles des alentours et finalement en choisir une.
Je les ai observés se tester, puis voler ensemble, se blottir l’un contre l’autre, échanger des coups de becs affectueux.

Un jour le pigeon a été pris d’une frénésie inconnue. Il apportait plumes et ficelles sur le rebord, plusieurs dans la même journée. Sa petit pigeonne s’y est installée et quelques jours après, deux petits oeufs blancs sont apparus parmi ces plumes collectées. Pendant des semaines, elle et lui se sont relayés pour couver leur descendance. A chaque passage de relai, un bisou, un roucoulement.

Juste avant la Toussaint, la vie a émergé. sous les plumes de la femelle, deux petites têtes jaunes aux yeux encore aveugles. A côté d’elle les coquilles brisées par ces deux êtres qui voulaient vivre.

Sans relâche, les deux parents ont couvé, nourri bec à bec, déposé des graines et démontré aux deux bébés ce qu’il allait falloir faire pour concrétiser cette vie.

Blottis l’un contre l’autre, comme leurs parents avant leur naissance, ils ont regardé vers moi, appris ma présence, testé le vent froid du début de l’hiver. L’un est devenu vite gros, l’autre, plus petit et sensible appelait souvent ses parents lorsqu’il les sentait à proximité.

Les deux bébés ont poussé sur leurs pattes, se sont dressés en quelques semaines, se disputant le meilleur coin du rebord, se réfugiant l’un sous l’autre quand ils se sentaient trop petits face au monde.

Leurs yeux ouverts, leurs ailes ont grandi. Le plumage a poussé. Je guettai chaque petite tache distinctive, dans l’espoir de pouvoir les retrouver un jour, lorsqu’ils partiraient car c’était leur destin.

Désormais la venue des parents se traduisait par des battements d’ailes frénétiques. Ils avaient pris de la force, les parents venaient plus rarement.

Hier midi en rentrant de la boulangerie par un jour pluvieux et venteux, mon coeur s’est arrêté en constatant que le plus petit, le plus émotif manquait à l’appel. Etait il tombné ? Etait il mort ?

J’ai nsurveillé l’après midi mais rien. Ce matin, le grand était toujours seul.

En ramenant mon assiette de petit-déjeuner dans la cuisine, j’ai vu le père posé à côté du grand. Puis il s’est envolé vers la cheminée en face du rebord.
Son bébé, mon petit bébé à moi aussi, dont j’ai connu toute la vie s’est approché du bord et, dans un battement d’aile maladroit et beau à la fois, a pris le premier envol de sa vie.

Le père s’est envolé aussi.

Dans ma chambre retentissait un cantique de l’Avent.

Le nid est vide.

***
Epilogue

J’ai écrit les dernières phrases les yeux embués de larmes et au moment où j’appuyais sur le bouton « publier », j’ai entendu un roucoulement désormais familier.

Les deux parents étaient sur le rebord, mon petit pigeon faisant à nouveau la cour à son amoureuse

Le nid est vide, prêt à accueillir

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